Démasquer l’ennemi privé numéro un : la vanité !
- Véronique Rauzy
- il y a 1 jour
- 8 min de lecture

Fort élan de vous partager quelques considérations sur la question de la vanité, et l’importance de la démasquer en soi pour franchir un cap important d’intégrité spirituelle.
Le terme de vanité déploie deux adjectifs :
Vain = vide de sens, absurde
Vaniteux = se parant de vertus, de qualités, de talents inexistants
La vanité est un leurre, un produit de l’imagination qui voudrait être autre que ce que l’on est, qui prétend être ce que l’on n’est pas et souhaite le faire croire à autrui puis être reconnu par autrui à cet endroit de mensonge.
On peut l’apparenter à la « légende personnelle », là où on se raconte qu’on est « très spécial » mais sans que ce soit validé par le réel.
C’est important de se connaître, de capter sa singularité, son unicité, ses points forts et faibles, mais DANS LE BUT de se maîtriser, de s’améliorer, d’être authentique ; la vanité est l’inverse : un moyen facile de s’exonérer de l’effort de réalisation !
La vanité se développe par « enflure de l’ambition », fixation sur un désir exagéré. Exagéré dans le sens d’irréaliste, irréalisable, hors de portée, outré, exalté, affabulé, insensé, démesuré.
La vanité se construit inconsciemment, involontairement, par divagation imaginative, rêverie facile proposant gratification, satisfaction immédiate à peu de frais apparents, sur un enjeu important pour nous dans nos aspirations grandioses, sauf qu’elle se révèle en fait un appât nous prenant au piège du mensonge.
Elle est une ERREUR SPIRITUELLE, constituant une étape vers la perversion, la corruption et la maladie mentale.
La vanité est par définition déconnectée du réel, de l’expérience vécue.
Elle a pour but externe d’essayer d’impressionner autrui, et pour but interne de consoler imaginativement l’incapacité à se satisfaire du réel avec ses contingences et ses contraintes et à se considérer honnêtement, lucidement avec ses limites.
La vanité est une adaptation compensatoire qui sert de tampon auto-hypnotique pour amoindrir la dureté du réel des insuffisances humaines. Ainsi on emploie parfois le terme « suffisance » en synonyme de vanité, mais il s’agit d’un accomplissement illusoire, qui n’est pas fondé et sert de support au mensonge.
C’est comme un cheval de Troie, un premier espace de duplicité interne, générateur de dissonances, d’incohérences. Une falsification qui pourrait paraître anodine tant elle est banale et courante, mais qui est le pivot de l’aliénation et de la dégradation humaines, la signature de la voie perverse.
La vanité est la porte d’entrée du « mal », du mensonge en soi et de la corruption.
Malheureusement, souvent les personnes s’y raccrochent comme si la vanité constituait leur essence et leur identité, leur valeur et leur raison d’être.
DISTINGUER LA VANITÉ DE LA JUSTE ESTIME DE SOI
Il est important de bien distinguer la vanité de la juste estime de soi. L’estime de soi est une appréciation saine, lucide, permettant de se considérer avec justesse et bienveillance, sans se leurrer. C’est une appréciation consciente qui permet de se respecter et de se valoriser avec justesse, sans excès, en cohérence avec le réel.
La vanité est une déviation, une distorsion, largement inconsciente. Comme son nom l’indique, elle est VIDE DE SUBSTANCE, tout en étant génératrice de dissonances.
La vanité permet la FUITE, la DISSOCIATION. Elle est le premier maillon d’une chaîne d’erreurs qui peut constituer un auto-emprisonnement dont il est ensuite difficile de se libérer.
La vanité a une parenté avec l’orgueil, avec l’hybris, en ce qu’elle permet l’illusion de toute-puissance et encourage les sentiments de supériorité.
Le combat contre la vanité se fait avec les armes de l’humour et de l’humilité, termes dont la racine étymologique est directement apparentée à l’être HUMain.
Commencer par affronter lucidement le DÉNI : on a tous, toutes un germe de vanité actif, plus ou moins développé et investi. On est tous plus ou moins mystifié par une fausse vision de nous-même. Prétendre en être exempt serait déjà vanité…
Puis observer le récit intérieur de survalorisation ambivalente, chargé d’affect et de susceptibilité : ici se cache la vanité !
Ce n’est pas agréable, c’est vexant de le voir, ça peut nous procurer des sentiments fortement désagréables de culpabilité, de honte, d’indignité, de ridicule, de réprobation profonde quand on constate cette fausse vision de soi qu’on a nourrie et étalée, et en même temps c’est le point de départ absolument nécessaire de rédemption, d’engagement dans le combat intrapsychique pour l’assainissement, pour la vérité, pour la réalisation de sa vie, pour harmoniser et revenir dans le sens évolutif.
On se méfiera en tout premier lieu de ce tout ce qui est grandiloquence. Tous les endroits où l’on va se croire arrivé, où on va se sentir spécial, que ce soit dans le bon comme dans le mauvais. Tous les endroits qu’on appelle exaltés, où il y a un débordement par rapport à la juste mesure.
Dans cet endroit d’exaltation, il y a une aspiration (c’est un peu la Lune noire en astro), il y a un idéal, quelque chose qui sent un potentiel, mais qui va se raconter soit y être déjà, soit en être exclu (quand par exemple on va reporter cette exaltation sur quelqu’un d’autre qu’on va mettre sur un piédestal : projeter son exaltation sur un autre qu’on va idéaliser et s’inférioriser par rapport à cette personne). Tous ces récits d’ambition démesurée sont particulièrement suspects. Déjà il faut les saisir, et commencer à s’en détacher, en les regardant depuis une forme de neutralité affective, et un retour au réel.
Ça demande d’avoir bien conscience qu’on a tous un récit sur soi, qui est un récit altéré, compensatoire, consolateur, illusoire, imaginaire, mais qui du fait de notre adhésion, de notre croyance en notre propre récit, agit comme une sorte d’auto-hypnose qui va créer de la perturbation, du mensonge, du décalage, des attentes, des quiproquos, des obstacles, des dysharmonies et un filtre dissonant, car en fait le récit n’est pas basé sur du réel mais sur du fantasme.
La vanité est une zone d’aveuglement. Ce n’est pas conscient. Personne ne va se dire directement : « tiens je suis vaniteuse », « tiens, ce que je pense de moi, c’est à côté de la plaque ». La vanité se construit comme une sorte de croyance sur soi, de récit sur soi, qui va chercher les vertus spirituelles de la personne, qui va se connecter aux valeurs de la personne et se prétendre vertueux, avec une sorte d’ « aspiration à la sainteté ». Il y a une cécité à cet endroit : on ne se rend pas compte que les qualités dont on se pare ne sont pas véridiquement intégrées, vécues, incarnées, mais qu’elles sont un masque, un costume, un rôle gratifiant, de représentation, de consolation, de compensation, et d’exonération du travail : mensonge du type « je n’ai pas besoin de travailler à développer mes qualités puisque je les exprime déjà ».
Cet aveuglement crée véritablement, dans le réel, des angles morts de la conscience, de la vision. Il fait comme un mirage.
Un récit dévalorisant sur soi-même, c’est souvent aussi de la vanité. Encore plus tordu, telle une flagellation de ne pas être le saint qu’on croit être foncièrement mais qu’on ne parvient pas à expérimenter et il y a un reproche qui se fait à soi de ne pas correspondre à l’idéal de ce que l’on « devrait être » mais qui en fait est un objectif faux, dans la mesure où il n’est pas réalisable, et donc là la vanité s’exprime en culpabilité de ne pas être à la hauteur de ce but. C’est une erreur car il n’est pas demandé à l’être humain de devenir dieu, mais il est demandé à l’être humain de devenir un être humain : nous sommes en devenir, pas tout à fait finis, pas tout à fait accomplis dans notre expérience d’êtres tendant vers davantage de lucidité, de conscience, de capacité de choix éclairés et déterminés.
ENQUÊTE ÉLUCIDANTE
Un des indices pour démasquer la vanité est quand le récit est vain, velléitaire : ne débouche pas sur du réel, la mise en œuvre d’efforts et de moyens pour une réalisation, sur la voie de vivre pleinement sa vie et la traverser en se laissant forger par elle et en y apportant sa contribution issue de l’expérience.
Un autre repère est de discerner l’affect quand il se déclenche, voir qu’on est en train d’être déclenché affectivement, de se sentir vexé, voir alors quel récit s’active, qu’est-ce qui se raconte et part en boucle de ressentiment, plainte, accusation, demande de reconnaissance…, et directement reconfronter au réel, au contexte, à une forme d’objectivité qui va empêcher l’imagination de s’emballer, de s’exalter et de nous égarer. Là aussi si on garde la part d’enquête lucide déterminée à démasquer la vanité, on va pouvoir la saisir et commencer à s’en distancier.
PERVERSION COMPARATIVE DE LA VANITÉ
Il est beaucoup plus facile de démasquer la vanité d’autrui que la sienne propre. Toutefois, tant qu’on n’est pas lucide avec nos propres tendances vaniteuses et capable de recul, il y a fort à parier que ce qu’on voit chez l’autre nous reflète en premier lieu !
Comprendre cela permet aussi une approche de notre vanité inconsciente.
En effet, une des manières possibles pour la démasquer est de vérifier si la vanité que l’on capte chez l’autre n’est pas – par hasard ? – notre propre vanité que nous projetons à l’extérieur : la bien connue « étape du miroir » consistant à dénoncer ou envier chez l’autre un trait de nos tourments personnels inconscients. C’est une étape à considérer sérieusement afin de l’accomplir et de la dépasser, ce qui nous permettra d’avoir un regard plus pertinent et honnête, ensuite, sur autrui, au lieu de se servir de l’autre comme support narcissique.
La vanité est une idéalisation de soi, notre récit d’être « plus que ». Elle est ambivalente, accompagnée de sa polarité négative rabaissante, ce qui induit le besoin de se comparer incessamment à autrui, qui plus est sur des critères vains, irréels et subjectifs, non fondés.
Elle se projette insidieusement en idéalisation d’un autre qui va servir de modèle à copier puis à détrôner ensuite pour essayer de prendre sa place.
VANITÉ AVIDE
Vanité vide, vanité avide ! Elle génère l’appétit insatiable, l’avidité de validation externe, de reconnaissance par une « autorité » reconnue.
La vanité convoite ce qu’elle n’a pas tout en prétendant l’avoir déjà, ce qu’elle n’est pas tout en prétendant l’être déjà, et tracasse l’âme en quête de validation externe en espérant combler ce vide. Mais cette recherche de reconnaissance externe est un puits sans fond, un tonneau des Danaïdes qui ne pourra jamais être réellement satisfait car il n’est pas réel mais seulement imaginaire, et la psyché le sait inconsciemment et s’en culpabilise sans parvenir à soulager son tourment.
Or quelqu’un d’intègre et de lucide ne sera pas d’accord de valider un autre dans son besoin de reconnaissance de sa vanité, de mensonge sur soi. Quelqu’un qui flatte la vanité d’autrui est un manipulateur ou un courtisan, c’est le début d’un jeu pervers, un pacte de duplicité.
Autant il est fondamental de soutenir les qualités réelles et d’encourager la réalisation de potentiels, autant il est malsain et délétère, néfaste d’encourager et de valider le récit mensonger.
Pour autant, faut-il confronter l’autre quand on constate sa vanité ?
Cela dépend du contexte, du souhait de la personne d’être honnête avec elle-même ou pas, de la demande qu’elle en fait. Le minimum va consister à ne pas abonder dans le jeu vaniteux. Mais quelqu’un qui n’est pas dans la démarche de se démasquer sera très vexé que sa vanité soit vue pour ce qu’elle est et mise en lumière, et réagira parfois fortement.
NÉCESSITÉ CONTEXTUELLE
L’évolution cherche toujours son chemin.
On est dans un temps de dégradation collective, de dislocation, d’effondrement structurel social.
Pour affronter ce passage chaotique il est crucial de renforcer son intégrité individuelle et d’assainir son espace particulier.
En effet, quand l’extérieur semble plonger toujours davantage dans l’absurde et la régression (indices de vanité), et ne permet plus de s’y raccrocher pour y trouver sens et direction, les ressources doivent être trouvées et développées à l’intérieur.
Parfois les poussées évolutives passent par les crises (Pluton). Passer par en dedans implique de s’extraire un temps de l’agitation ordinaire du monde (maison 12) et de plonger en soi, se remettre en question efficacement, par une introspection la plus lucide et objective possible pour sortir de l’auto-hypnose vaniteuse et ainsi rétablir ses capacités de responsabilité et de réalisation en présence, conscience et puissance.
Ce sursaut interne qui demande / exige une rectification, un assainissement, une confrontation constitue l’essence et la démarche du véritable effort spirituel.





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